J.O. 267 du 18 novembre 2006       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Décision du 5 octobre 2006 se prononçant sur un différend qui oppose le Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l'électricité et les réseaux de communication (SIPPEREC) à Electricité de France (EDF), relatif à la communication de données de comptage


NOR : CREX0609630S



La Commission de régulation de l'énergie,

Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 4 août 2006 sous le numéro 06-38-02 et régularisée le 16 août 2006, présentée par le Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l'électricité et les réseaux de communication (SIPPEREC), coordonnateur du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité, agissant en son nom et pour son compte et au nom et pour le compte de chacun des autres membres qui le composent, dont le siège est situé tour Gamma B, 193-197, rue de Bercy, 75582 Paris Cedex 12, pris en la personne de son président en exercice, M. Jacques Poulet, et ayant pour avocat Me Didier Seban, cabinet Seban & Associés, 262, boulevard Saint-Germain, 75007 Paris.

Le SIPPEREC a saisi la Commission de régulation de l'énergie du différend qui l'oppose à Electricité de France (EDF), gestionnaire du réseau public de distribution, relatif à la communication de données de comptage pour le compte des membres du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité, dont il est le coordonnateur.

Le SIPPEREC soutient que, comme elle l'a rappelé dans sa communication du 29 janvier 2004, la Commission de régulation de l'énergie est compétente, en application de l'article 38 de la loi du 10 février 2000, pour se prononcer sur « tout différend (...) relatif aux conditions d'accès aux informations de comptage », qui oppose un utilisateur, client éligible, à un gestionnaire de réseau public. Il en déduit qu'elle est compétente pour connaître du différend entre les membres du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité, éligibles depuis le 1er juillet 2004, et le gestionnaire du réseau public de distribution, relatif aux modalités d'accès aux informations de comptage les concernant.

Le SIPPEREC observe que, dans sa communication du 13 juin 2002, la Commission de régulation de l'énergie a indiqué que « pour faire jouer la concurrence entre fournisseurs, les consommateurs doivent disposer (...) d'informations précises sur leur consommation passée », et a appelé l'attention des gestionnaires de réseaux « sur leur obligation de communiquer à chaque client toutes les informations issues de dispositifs de comptage le concernant et, le cas échéant, sur la nécessité d'améliorer l'accès à ces informations ».

Le SIPPEREC rappelle que le paragraphe 4.1 de l'annexe de la décision du 23 septembre 2005 approuvant les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité vise une redevance de contrôle, de relève, de location et d'entretien qui couvre « les coûts de validation, de correction et de mise à disposition des données de comptage validées », lesquelles « sont transmises à l'utilisateur (ou à son mandataire) selon une fréquence minimale » hebdomadaire, mensuelle ou semestrielle. Il considère que le gestionnaire du réseau public de distribution ne peut se soustraire aux obligations qui sont ainsi mises à sa charge et que la proposition de prestation payante que ce dernier lui a faite est inacceptable.

Le SIPPEREC ajoute qu'en principe les flux d'informations dont dispose le gestionnaire du réseau public de distribution sont accessibles gratuitement aux fournisseurs qui livrent de l'électricité aux clients qui ont exercé leur éligibilité.

Le SIPPEREC demande, par conséquent, à la Commission de régulation de l'énergie :

- d'enjoindre à EDF de lui communiquer les données de comptage au pas du mois, au titre de la consommation de l'ensemble des membres du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité ;

- d'assortir l'injonction d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de notification de la décision à intervenir, s'agissant de la mise à jour des données de comptage de l'ensemble des membres du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité dont EDF a d'ores et déjà les coordonnées.


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Vu les observations en défense, enregistrées le 30 août 2006, présentées par Electricité de France (EDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 552 081 317, dont le siège social est situé 22-30, avenue de Wagram, 75008 Paris, représentée par M. Marc Espalieu, directeur d'EDF Réseau Distribution.

EDF soutient que la saisine présentée par le SIPPEREC, en tant que coordonnateur du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité, est irrecevable au regard des règles de procédure applicables devant la Commission de régulation de l'énergie.

EDF observe que les nom et prénoms du représentant légal du SIPPEREC ne sont pas mentionnés dans la saisine, en méconnaissance des dispositions de l'article 1er du décret du 11 septembre 2000 et de l'article 12 de la décision du 15 février 2001 relative au règlement intérieur de la Commission de régulation de l'énergie. Il considère que la demande du SIPPEREC doit, par conséquent, être déclarée irrecevable, conformément aux dispositions de l'article 3 du décret du 11 septembre 2000.

EDF soutient qu'en tant que coordonnateur du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité, le SIPPEREC n'a aucune compétence pour représenter chacun de ses membres et saisir la Commission de régulation de l'énergie en leur nom et pour leur compte. Il considère que la procédure devant la Commission de régulation de l'énergie doit obéir au principe selon lequel « nul en France ne plaide par procureur ». EDF remarque qu'en application de l'article 8-II du code des marchés publics et de l'article 4 de l'acte constitutif du 12 février 2004, la représentation de ses membres devant une instance juridictionnelle ne fait pas partie des missions du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité, qui est dépourvu de personnalité morale. Il ajoute que, conformément aux articles L. 2132-1 et L. 2132-2 du code général des collectivités territoriales, la saisine de la Commission de régulation de l'énergie et la représentation des communes membres du groupement par leurs maires doivent faire l'objet de délibérations de leurs conseils municipaux respectifs, formalité qui n'a pas été accomplie en l'espèce.

EDF soutient que la Commission de régulation de l'énergie n'est pas compétente, en application des dispositions de l'article 38 de la loi du 10 février 2000, pour régler un différend qui porte sur les modalités d'exécution de contrats intégrés aux tarifs réglementés. Il considère que, conformément à la directive 2003/54 /CE du 26 juin 2003 et au principe de séparation des activités régulées et non régulées, ce différend oppose en réalité les membres du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité à leur fournisseur d'énergie, seul interlocuteur direct de clients éligibles qui n'ont pas fait valoir leur éligibilité. Il en déduit qu'il y a erreur sur la personne du défendeur.

EDF soutient avoir rempli ses obligations au regard de la décision du 23 septembre 2005, en transmettant les données de comptage dues au titre des prestations couvertes par les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité et en proposant des prestations complémentaires facturées à hauteur des coûts engagés.

EDF observe que, dans le cadre des contrats intégrés, l'article 4.1 de l'annexe de la décision du 23 septembre 2005 impose au gestionnaire du réseau public de distribution de transmettre les données de comptage au fournisseur, ce qui a été fait en l'espèce selon les fréquences requises. Il ajoute que c'est au fournisseur, et à lui seul, qu'il appartient de communiquer lesdites données à ses clients, notamment au moment de la facturation, conformément à la communication de la Commission de régulation de l'énergie du 3 juillet 2003. EDF rappelle qu'il a fourni au SIPPEREC l'ensemble des données de comptage historiques et lui a proposé une actualisation annuelle de ses consommations, comme le préconise la Commission de régulation de l'énergie dans sa communication du 29 janvier 2004.

EDF soutient que les demandes du SIPPEREC d'alimentation directe d'une base de données de consommation d'électricité à partir des données de comptage du gestionnaire de réseaux de distribution ou de mise à disposition des données au pas du mois relèvent des prestations complémentaires, au sens du chapitre A du III de l'exposé des motifs de l'annexe de la décision du 23 septembre 2005. Il en déduit qu'il est fondé à facturer ces prestations à hauteur des coûts engagés et qu'aucun refus de communication de données ne saurait lui être reproché.

EDF demande donc à la Commission de régulation de l'énergie :

- de déclarer la saisine du SIPPEREC irrecevable ;

- de rejeter l'ensemble des demandes du SIPPEREC ;

- de dire qu'il a respecté ses obligations et transmis toutes les informations dues au SIPPEREC.


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Vu les observations en réplique, enregistrées le 13 septembre 2006, présentées par le SIPPEREC.

Le SIPPEREC soutient que l'article 1er du décret du 11 septembre 2000 relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie n'impose pas au demandeur d'indiquer les nom et prénom de son représentant légal, mais seulement l'organe qui le représente. Il ajoute qu'en application des règles du code général des collectivités territoriales relatives aux établissements publics de coopération intercommunale l'organe qui le représente est son président en exercice, comme il l'a indiqué dans sa saisine. Il observe qu'à la demande de la Commission de régulation de l'énergie, la saisine a été régularisée par l'indication des nom et prénom de son président.

Le SIPPEREC rappelle que, conformément au II de l'article 8 du code des marchés publics et aux articles 3 et 4 de l'acte constitutif du 12 février 2004, le coordonnateur du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité est chargé par ses membres de la préparation, de la passation et de la signature des marchés et peut solliciter, auprès des gestionnaires de réseaux et des fournisseurs d'énergie, l'ensemble des informations relatives aux différents points de livraison. Il précise qu'en décidant d'adhérer au groupement, les assemblées délibérantes des collectivités et des établissements publics territoriaux ont délégué au coordonnateur toute compétence utile pour intervenir dans le cadre de son objet. Il en conclut qu'il est ainsi habilité pour agir devant toute autorité administrative dans le cadre de la préparation des consultations publiques, et notamment pour saisir la Commission de régulation de l'énergie en cas de différend avec un gestionnaire de réseau.

Le SIPPEREC soutient que les règles des articles L. 2132-1 et L. 2132-2 du code général des collectivités territoriales, citées par EDF, ne s'appliquent que lorsque la commune agit en justice en son nom, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Il observe, au surplus, qu'en tant que membre du groupement, il peut saisir la Commission de régulation de l'énergie en son nom et pour son propre compte.



Le SIPPEREC soutient qu'en l'absence de séparation juridique entre les activités de distribution et de fourniture, EDF ne saurait utilement se prévaloir des principes issus de la directive 2003/54 /CE du 26 juin 2003 pour prétendre que seul le fournisseur peut être mis en cause devant la Commission de régulation de l'énergie par des clients qui n'ont pas exercé leur éligibilité. Il souligne, au demeurant, que sa demande est dirigée contre la société EDF et s'adresse à l'ensemble de ses directions.

Le SIPPEREC observe qu'en tant que gestionnaire de réseau, EDF a toujours répondu à ses demandes de transmission de données de comptage et lui a encore proposé, par une lettre du 30 août 2006, d'établir un devis pour leur mise à jour mensuelle, ce qui démontre non seulement qu'il s'est adressé au bon interlocuteur, mais aussi que ce dernier dispose de la capacité technique pour procéder à une mise à jour au pas du mois. Il rappelle que, dans sa communication du 29 janvier 2004 sur le comptage électrique, la Commission de régulation de l'énergie ne distingue pas, dans les relations entre les gestionnaires de réseaux et les utilisateurs, selon que les prestations concernent un client éligible, ayant ou non exercé son éligibilité, et un client non éligible.

Le SIPPEREC soutient que, conformément à la communication de la Commission de régulation de l'énergie du 3 juillet 2003, le fournisseur ne gère l'accès au réseau pour le compte de son client que dans le cadre du contrat unique qui concerne exclusivement les clients ayant exercé leur éligibilité. Il observe que, dans son avis du 9 août 2006 sur le projet d'arrêté relatif aux prix de vente de l'électricité, la Commission de régulation de l'énergie a rappelé que les tarifs de vente réglementés comprennent une part réseau, constituée notamment du tarif d'utilisation des réseaux fixé par la décision ministérielle du 23 septembre 2005. Il en déduit que les gestionnaires de réseaux ont les mêmes obligations à l'égard des clients soumis aux tarifs de vente réglementés.

Le SIPPEREC rappelle que, conformément à la communication de la Commission de régulation de l'énergie du 29 janvier 2004, le cahier des charges fonctionnel devant être appliqué par les gestionnaires des réseaux publics d'électricité en matière de comptage vise à répondre aux besoins des futurs consommateurs éligibles qui souhaitent améliorer la maîtrise de leur consommation d'énergie. Il soutient que l'actualisation annuelle des consommations des membres du groupement de commandes proposée par EDF n'est conforme ni à la communication précitée, ni à la décision ministérielle du 23 septembre 2005. Il considère qu'une telle pratique, compte tenu du volume des consommations des membres du groupement, interdirait aux fournisseurs potentiels de faire une offre véritablement concurrentielle dans le cadre d'un appel d'offres d'énergie. Il observe que la facturation des prestations de comptage correspondant à ses demandes constituerait un frein à l'accès au marché dans des conditions de libre concurrence, alors que ces prestations sont prises en compte par les tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité.

Le SIPPEREC rappelle que l'article 4.1 de l'annexe de la décision du 23 septembre 2005, comme le catalogue des prestations du distributeur EDF, dans sa version du 1er avril 2006, confirment que la transmission mensuelle des courbes de charge des points de livraison au-dessus de 36 kVA relève du comptage de base et n'a pas à être facturée en supplément. Il ajoute que ces dispositions s'appliquent à l'ensemble des clients, éligibles ou non. Il souligne, en outre, que l'article 14 de la directive 2003/54 /CE du 26 juin 2003 prévoit que le gestionnaire de réseau de distribution doit s'abstenir de toute discrimination entre les utilisateurs et leur fournit les informations dont ils ont besoin pour un accès efficace au réseau.

Le SIPPEREC persiste donc dans ses précédentes conclusions.


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Vu les observations en duplique, enregistrées le 25 septembre 2006, présentées par EDF.

EDF regrette que la lettre de régularisation envoyée par le SIPPEREC à la Commission de régulation de l'énergie le 11 août 2006 ne lui ait pas été communiquée avant le 15 septembre 2006, conformément au principe du contradictoire. Il souligne que le fait de citer l'organe représentant légalement un groupement, sans préciser l'identité de la personne physique qui le constitue, est contraire aux règles de représentation des personnes morales. Il conteste la régularisation effectuée en cours d'instance, alors que ni la saisine, ni les observations en réplique du SIPPEREC n'indiquent les nom et prénoms de son président en exercice.

EDF observe que le SIPPEREC n'agit pas en tant qu'entité organisatrice de la distribution publique d'électricité, mais en sa qualité de coordonnateur du groupement de commandes et au nom et pour le compte de ses adhérents. EDF maintient que, même s'il peut agir en son nom et pour son propre compte, le SIPPEREC n'a ni la capacité, ni la qualité pour agir devant la Commission de régulation de l'énergie, au nom et pour le compte du groupement de commandes, qui n'a pas la personnalité morale, et de ses membres, qui ne l'ont pas mandaté à cet effet. Il ajoute que le SIPPEREC ne peut pas confier à ses avocats un pouvoir dont il ne dispose pas lui-même.

EDF observe qu'en assignant le gestionnaire du réseau public de distribution devant la Commission de régulation de l'énergie, le SIPPEREC a explicitement reconnu la séparation administrative et comptable existant entre les activités de fourniture et d'acheminement d'électricité. Il rappelle que dans le cadre de contrats intégrés aux tarifs réglementés, incluant la fourniture et l'acheminement d'électricité, le fournisseur est le seul interlocuteur direct des membres du groupement de commandes. Il ajoute que le juge compétent pour connaître de tout litige relatif à l'exécution de ces contrats intégrés est le juge du contrat.

EDF rappelle qu'il convient de distinguer les données de comptage dont la transmission incombe au fournisseur et qui apparaissent sur les factures, les historiques communiqués par le gestionnaire du réseau public de distribution, et les données demandées à une périodicité inférieure à l'année, qui relèvent des prestations complémentaires. Il précise que ces prestations complémentaires payantes peuvent entrer dans le cadre des offres commerciales des fournisseurs. EDF observe que le SIPPEREC fait une lecture erronée de la communication de la Commission de régulation de l'énergie du 3 juillet 2003, en prétendant qu'elle ne concernerait que les clients qui ont fait jouer leur éligibilité et conclu un « contrat unique ». Il souligne que les fiches extraites du catalogue des prestations, produites par le SIPPEREC, sont relatives à la transmission de données de comptage par le gestionnaire du réseau public de distribution aux fournisseurs.

EDF soutient qu'il n'a aucunement fait entrave à l'accès du groupement de commandes au marché concurrentiel. Il considère que le SIPPEREC ne saurait invoquer le principe de non-discrimination issu de la directive 2003/54 /CE du 26 juin 2003, tout en revendiquant l'application d'un traitement de faveur par la fourniture gratuite de prestations complémentaires. Il observe que la demande du SIPPEREC a pour objet l'alimentation d'un outil de gestion et d'analyse des consommations qu'il tente de faire financer, en partie, par le service public de l'électricité. EDF soutient que, compte tenu de sa saisonnalité, la consommation d'électricité doit s'apprécier sur la période la plus longue possible, la durée pertinente étant celle du pas annuel.

EDF persiste dans ses précédentes conclusions.


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Vu les observations complémentaires, enregistrées le 27 septembre 2006, présentées par le SIPPEREC.

Le SIPPEREC observe qu'EDF a toujours affirmé, notamment dans le cadre des réunions de coordination mensuelle des 1er juillet 2004 et 12 janvier 2005, qu'il appartient au gestionnaire du réseau public de distribution de répondre aux demandes des utilisateurs relatives aux données de comptage. Il précise que, conformément à la décision tarifaire du 23 septembre 2005, pour les points de livraison dont la puissance souscrite est inférieure ou égale à 36 kVA, sa demande porte uniquement sur la communication de données semestrielles, même s'il souhaiterait une évolution du système de comptage permettant une transmission plus fréquente. Il rappelle que la transmission mensuelle des données de consommation des points de livraison fournis en HTA et en BT, dont la puissance souscrite est supérieure à 36 kVA, relève du comptage de base et n'a pas à être facturée. Le SIPPEREC considère que les modalités techniques de mise à jour périodique des données de comptage proposées par EDF dans sa lettre du 12 septembre 2006 sont, sous certaines réserves, acceptables, mais il en conteste les conditions financières.

Le SIPPEREC modifie ses précédentes conclusions et demande, donc, à la Commission de régulation de l'énergie :

- d'enjoindre à EDF de lui communiquer gratuitement les données de comptage au pas du mois pour les points de livraison dont la puissance souscrite est supérieure à 36 kVA et à une fréquence semestrielle pour ceux dont la puissance souscrite est inférieure ou égale à 36 kVA, au titre de la consommation de l'ensemble des membres du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité ;

- d'assortir l'injonction d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de notification de la décision à intervenir, s'agissant de la mise à jour des données de comptage de l'ensemble des membres du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité dont EDF a d'ores et déjà les coordonnées.


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Vu les observations en réponse, enregistrées le 28 septembre 2006, présentées par EDF.

EDF prend acte de la modification, en cours de procédure, de l'objet de la demande du SIPPEREC. Il précise n'avoir jamais contesté la faisabilité technique de la transmission de données sollicitée par le SIPPEREC. Il soutient que l'agrégation et la préparation de ces données a un coût qui doit être supporté par le demandeur, dans les conditions prévues à l'article 14 de l'annexe de la décision tarifaire du 23 septembre 2005.

EDF considère que le SIPPEREC fait une lecture erronée des comptes rendus des réunions de coordination mensuelle, qui portent sur la transmission de données historiques de comptage dans le contexte particulier de la préparation d'un appel d'offres d'énergie. Il observe que le SIPPEREC demande désormais la communication des flux de données, dont le fournisseur est normalement destinataire dans le cadre des contrats intégrés. EDF rappelle qu'aucune disposition réglementaire ne l'oblige à faire évoluer son système de comptage en vue de permettre une transmission plus fréquente des données relatives aux points de livraison dont la puissance souscrite est inférieure ou égale à 36 kVA.

EDF persiste, donc, dans ses précédentes conclusions.


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Vu les observations en triplique, enregistrées le 28 septembre 2006, présentées par le SIPPEREC.

Le SIPPEREC soutient qu'il n'agit pas devant la Commission de régulation de l'énergie en tant que représentant, mais en tant que coordonnateur du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité, conformément à l'article 8 du code des marchés publics, qui a pour objet de confier à une personne juridique le soin d'organiser la procédure de consultation, dans tous ses aspects, y compris contentieux.

Le SIPPEREC rappelle qu'en tant que coordonnateur du groupement de commandes, il dispose de la qualité pour agir au nom et pour le compte de ses adhérents en vue d'exercer les missions qui lui ont été conventionnellement attribuées par chacun d'entre eux.



Le SIPPEREC soutient que, sauf à méconnaître les règles tarifaires issues de la décision ministérielle du 23 septembre 2005, les fiches extraites du catalogue des prestations, sur lesquelles il s'appuie, doivent être regardées comme s'adressant aux fournisseurs comme aux clients finaux. Il ajoute qu'il ne peut accepter la proposition financière faite par EDF le 12 septembre 2006, dès lors qu'elle est dépourvue de tout fondement.

Le SIPPEREC persiste dans ses dernières conclusions.


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Vu les observations en réponse, enregistrées le 2 octobre 2006, présentées par EDF.

EDF soutient que, contrairement à ce qu'il affirme sans le justifier, le SIPPEREC n'a pas compétence pour engager une instance contentieuse.

EDF constate que l'objet de la demande du SIPPEREC a varié en cours de procédure, mais considère avoir répondu scrupuleusement à ses obligations. Il observe que le SIPPEREC demande désormais à recevoir gratuitement l'ensemble des index de relève des points de comptage de ses adhérents, ce qui reviendrait à lui transmettre, en dehors de tout lien contractuel, un second flux de données, le premier étant destiné au fournisseur, et supposerait la mise en oeuvre de moyens particuliers. Il ajoute que si la charge financière qui en résulte n'était pas supportée par le SIPPEREC, elle incomberait à l'ensemble des utilisateurs dans le cadre des tarifs d'utilisation des réseaux publics.

EDF persiste, donc, dans ses précédentes conclusions.


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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi no 2000-108 du 10 février 2000 modifiée relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;

Vu le décret no 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;

Vu la décision du 15 février 2001 relative au règlement intérieur de la Commission de régulation de l'énergie ;

Vu la décision du 9 août 2006 du président de la Commission de régulation de l'énergie relative à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction d'une demande de règlement de différend ;

Vu la décision complémentaire du 24 août 2006 du président de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la désignation d'un rapporteur adjoint pour l'instruction d'une demande de règlement de différend ;

Vu la directive 2003/54 /CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive 96/92 /CE ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le décret no 2001-365 du 26 avril 2001 modifié relatif aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité ;

Vu la décision du 23 septembre 2005 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre délégué à l'industrie approuvant les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité ;


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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique de la Commission de régulation de l'énergie qui s'est tenue le 5 octobre 2006 en présence de :

M. Michel Lapeyre, présidant la séance, MM. Eric Dyevre, Bruno Lechevin, Pascal Lorot, Maurice Meda et Jacques-André Troesch, commissaires ;

M. Olivier Challan Belval, directeur général, Mme Christine Lescaut, directrice juridique ;

M. Mounir Meddeb, rapporteur, MM. Rémy Carbonnier et Laurent Schwebel, rapporteurs adjoints ;

Me Thomas Rouveyran, M. Etienne Andreux et M. Christian Poncelet, pour le SIPPEREC ;

M. Marc Bussieras, M. Patrick Lemaire et M. Jean-Claude Millien, pour Electricité de France (EDF).

Après avoir entendu :

- le rapport de M. Mounir Meddeb, présentant les moyens et les conclusions des parties ;

- les observations de M. Etienne Andreux et Me Thomas Rouveyran, pour le SIPPEREC : le SIPPEREC considère qu'il n'a pas à payer deux fois au titre du tarif d'utilisation des réseaux publics et des prestations complémentaires ; il confirme avoir modifié ses conclusions afin de se conformer aux règles tarifaires ; il soutient que les conditions de transmission des données de comptage imposées par EDF ne permettent pas aux collectivités locales d'exercer leur éligibilité de manière optimale ;

- les observations de M. Marc Bussieras et M. Jean-Claude Millien, pour Electricité de France (EDF) : EDF soutient, en réponse aux questions du rapporteur, que sa position n'est pas incompatible avec les dispositions de l'article 19 de la loi du 10 février 2000 qui confient aux gestionnaires des réseaux publics de distribution la responsabilité du comptage, dès lors qu'il a transmis les historiques aux membres du groupement de commandes et les données de relève au fournisseur ; il soutient également qu'il a pu transmettre au fournisseur les données de comptage selon les modalités prévues par les protocoles, sans pour autant méconnaître les dispositions tarifaires qui prévoient la communication de ces données au client et sont d'ordre public, conformément à l'article 1er du décret du 26 avril 2001.

La Commission de régulation de l'énergie en ayant délibéré le 5 octobre 2006, après que les parties, le rapporteur, les rapporteurs adjoints, le public et les agents des services se sont retirés.


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Les faits :

Le 8 avril 2005, le Groupement de commandes pour l'achat d'électricité, qui regroupe des membres du Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l'électricité et les réseaux de communication (SIPPEREC), a lancé une consultation publique pour la fourniture et l'acheminement d'énergie électrique et les services associés, afin de permettre à ses adhérents d'exercer leur éligibilité. Cette procédure a cependant été déclarée infructueuse le 30 juin 2005.

En vue du lancement d'une nouvelle consultation publique, le SIPPEREC a décidé, en sa qualité de coordonnateur du groupement, de procéder à la consolidation de la base des données de consommation d'électricité de son périmètre global, retraçant l'historique des consommations de ses membres.

Par une lettre du 21 décembre 2005, le SIPPEREC a fait connaître à EDF que sa contribution à la mise en place de cette base de données lui donnait satisfaction et a insisté sur la nécessité de sa mise à jour régulière, tenant compte notamment de l'arrivée de nouveaux adhérents au sein du groupement.

Par une lettre du 17 février 2006, EDF s'est engagé à transmettre les données de consommation des nouveaux membres du groupement pour les points de livraison dont les références lui auront été communiquées. Il a, en outre, proposé de transmettre une réactualisation des données de consommation à la demande du SIPPEREC. EDF précisait, toutefois, que la mise à jour en continu par des données fournies périodiquement n'était pas envisageable, le système d'information mis en place pour facturer de façon intégrée acheminement et fourniture n'étant pas conçu pour éditer des données de consommation.

Le 10 mai 2006, le SIPPEREC a rappelé à EDF que tout client doit pouvoir disposer de ses données de consommation avec une mise à jour régulière, ce qui suppose un accès aux données issues du système d'information du gestionnaire du réseau public de distribution. Le SIPPEREC a, alors, réitéré sa demande de mise à disposition des données au pas du mois.

Par une lettre du 21 juin 2006, EDF a proposé au SIPPEREC une réactualisation annuelle des consommations des membres du groupement et, au-delà, une mise à jour à une fréquence inférieure à l'année facturée à hauteur des coûts engagés.

En désaccord avec ces propositions, le SIPPEREC a annoncé à EDF, par une lettre du 27 juillet 2006, son intention de porter le différend devant la Commission de régulation de l'énergie.

Le 4 août 2006, le SIPPEREC, en sa qualité de coordonnateur du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité, a saisi la Commission de régulation de l'énergie d'une demande de règlement du différend qui l'oppose à EDF sur la communication de données de comptage.

Le même jour, EDF a informé le SIPPEREC qu'il maintenait ses propositions. Il lui a, en outre, indiqué, dans une lettre du 30 août 2006, que le détail et les modalités tarifaires de ses prestations de comptage complémentaires lui seraient communiqués le 12 septembre 2006 au plus tard.

Le 12 septembre 2006, EDF, gestionnaire du réseau public de distribution, a adressé au SIPPEREC un devis pour la mise à jour mensuelle des données de comptage des adhérents du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité. Le SIPPEREC a répondu, le 26 septembre 2006, qu'il était en désaccord avec les propositions financières d'EDF.

Sur la compétence de la Commission de régulation de l'énergie :

Aux termes des dispositions de l'article 38 de la loi du 10 février 2000, « en cas de différend entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité (...) lié à l'accès auxdits réseaux (...) ou à leur utilisation, (...) la Commission de régulation de l'énergie peut être saisie par l'une ou l'autre des parties. La demande de règlement de différend (...) ne peut concerner un client non éligible ». En outre, la décision de la Commission de régulation de l'énergie « qui peut être assortie d'astreintes, est motivée et précise les conditions d'ordre technique et financier de règlement du différend dans lesquelles l'accès aux réseaux (...) ou leur utilisation sont, le cas échéant, assurés. Lorsque cela est nécessaire pour le règlement du différend, la commission peut fixer, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l'accès auxdits réseaux (...) ou les conditions de leur utilisation ».

En application du III de l'article 19 de la loi du 10 février 2000, « chaque gestionnaire du réseau public de distribution procède aux comptages nécessaires à l'exercice de ses missions ». Conformément au deuxième alinéa de l'article 4.1 de l'annexe de la décision ministérielle du 23 septembre 2005 approuvant les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, les « données de comptage validées (...) sont transmises à l'utilisateur (ou à son mandataire) selon une fréquence minimale (...) ».

Il résulte des dispositions précitées que la Commission de régulation de l'énergie est compétente pour régler, dans leurs aspects techniques et financiers, les différends relatifs à l'accès aux réseaux publics d'électricité ou à leur utilisation qui opposent les gestionnaires desdits réseaux à leurs utilisateurs, seuls les clients non éligibles étant exclus du champ d'application de l'article 38 de la loi du 10 février 2000.

Dès lors que les gestionnaires de réseaux publics de distribution ont été chargés par la loi de procéder aux comptages nécessaires à l'exercice de leurs missions, la Commission de régulation de l'énergie est compétente pour régler les différends relatifs aux modalités de communication des données de comptage, qui constituent une condition de l'utilisation desdits réseaux, au sens de l'article 38 de la loi du 10 février 2000. En application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 4.1 de l'annexe de la décision ministérielle du 23 septembre 2005, ces données doivent être transmises par les gestionnaires de réseaux publics de distribution aux utilisateurs ou à leurs mandataires.

En l'espèce, le SIPPEREC conteste les modalités de communication des données de comptage afférentes à la consommation de l'ensemble des membres du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité, dont il est le coordonnateur, qui lui sont proposées par EDF, gestionnaire du réseau public de distribution.

Il est constant que les membres du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité, dont le SIPPEREC assure la coordination, sont éligibles depuis le 1er juillet 2004, mais n'ont pas, à ce jour, exercé leur éligibilité. Ils demeurent, par conséquent, titulaires de contrats dits « intégrés », conclus avec le fournisseur historique EDF, qui comportent des stipulations relatives à l'accès au réseau. Ces stipulations engagent EDF, en tant que gestionnaire du réseau public de distribution.

Dans ces conditions, EDF, gestionnaire du réseau public de distribution, n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a aucun lien contractuel avec les membres du groupement de commandes et à invoquer une erreur sur la personne du défendeur, pour contester la compétence de la Commission de régulation de l'énergie.

A défaut de mise en oeuvre, à ce jour, de la séparation juridique prévue par la directive 2003/54 /CE du 26 juin 2003, qui ne sera obligatoire qu'à compter du 1er juillet 2007, EDF ne peut se prévaloir d'une erreur sur la personne du défendeur alors qu'il exerce concomitamment, au sein de la même personne morale, les activités de fourniture et de distribution d'électricité.



Les règles de la dissociation comptable visent à prévenir toute discrimination, distorsion de concurrence ou subvention croisée entre les activités régulées et celles du secteur concurrentiel. Elles ont pour objet d'imposer aux entreprises d'électricité de tenir, dans leur comptabilité interne, un compte séparé au titre de l'activité de gestionnaire de réseau de distribution. L'activité de comptage, qui relève des gestionnaires de réseaux publics de distribution, en application du III de l'article 19 de la loi du 10 février 2000, figure dans ce compte séparé. Dès lors, les règles de la dissociation comptable ne peuvent avoir pour effet de faire obstacle à l'exercice par les gestionnaires de réseaux publics de distribution de leur mission de comptage. Par suite, EDF, gestionnaire du réseau public de distribution, ne saurait se soustraire à sa mission de comptage en se prévalant des règles de la dissociation comptable.

La Commission de régulation de l'énergie est donc compétente pour régler le différend relatif aux modalités de communication de données de comptage qui oppose EDF, gestionnaire du réseau public de distribution, au SIPPEREC, coordonnateur du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité, agissant au nom et pour le compte de ses membres.

Sur les fins de non-recevoir opposées par Electricité de France :

EDF soutient que la demande de règlement de différend présentée par le SIPPEREC en tant que coordonnateur du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité est irrecevable. Il invoque un vice de forme ainsi que l'absence de capacité et de qualité pour agir du SIPPEREC.

Sur la forme de la saisine :

EDF invoque un vice de forme tiré de l'absence de mention des nom et prénoms du représentant légal du SIPPEREC dans l'acte de saisine.

Aux termes de l'article 1er du décret du 11 septembre 2000 : « la saisine de la Commission de régulation de l'énergie comporte pour chaque différend : - (...) si l'auteur de la saisine est une personne morale, sa forme, sa dénomination ou sa raison sociale, l'adresse de son siège social et l'organe qui la représente légalement ». Le deuxième alinéa de l'article 3 du même texte dispose qu'il « peut être statué sans instruction sur les demandes manifestement irrecevables ».

Il ressort des pièces du dossier que, dans sa saisine du 4 août 2006, le SIPPEREC a indiqué être « dûment représenté par son président en exercice ». Le SIPPEREC a, en outre, complété sa saisine par une lettre enregistrée le 16 août 2006, communiquée à EDF le 13 septembre 2006, dans laquelle il précise les nom et prénom de son président en exercice, M. Jacques Poulet.

La saisine du SIPPEREC, enregistrée le 4 août 2006 et régularisée le 16 août 2006, répond ainsi à l'ensemble des conditions de forme prévues par les dispositions précitées de l'article 1er du décret du 11 septembre 2000. Elle n'est donc pas irrecevable au sens de l'article 3 du même décret.

Par suite, le moyen soulevé par EDF tiré d'un vice de forme manque en fait et doit être écarté.

Sur la capacité à agir du SIPPEREC :

EDF soutient que le SIPPEREC ne peut représenter devant la Commission de régulation de l'énergie le Groupement de commandes pour l'achat d'électricité, qui n'a pas la personnalité morale.

Il n'est pas contesté que le SIPPEREC, auteur de la saisine, a la personnalité morale et agit devant la Commission de régulation de l'énergie en tant que coordonnateur du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité.

La circonstance que le Groupement de commandes pour l'achat d'électricité ne soit pas doté de la personnalité morale est sans incidence sur la recevabilité de la saisine présentée par le SIPPEREC.

Le moyen tiré de l'absence de capacité à agir du SIPPEREC doit donc être écarté.

Sur la qualité pour agir du SIPPEREC :

EDF soutient que le SIPPEREC n'a pas la qualité pour agir au nom et pour le compte du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité et de ses membres. Il fait valoir que le SIPPEREC n'a pas été mandaté par les membres du groupement de commandes pour introduire une demande de règlement de différend devant la Commission de régulation de l'énergie et que l'acte constitutif du groupement ne l'autorise pas à ester en justice.

Aux termes de l'article 8 du code des marchés publics : « I. - Des groupements de commandes peuvent être constitués. (...) II. - Une convention constitutive est signée par les membres du groupement. Elle définit les modalités de fonctionnement du groupement. Elle désigne un (...) coordonnateur (...) chargé de procéder, dans le respect des règles prévues par le présent code, à l'organisation de l'ensemble des opérations de sélection d'un ou de plusieurs cocontractants. Chaque membre du groupement s'engage, dans la convention, à signer avec le cocontractant retenu un marché à hauteur de ses besoins propres, tels qu'il les a préalablement déterminés. »

L'article 1er de l'acte constitutif du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité approuvé le 12 février 2004, institué en application de l'article 8 précité du code des marchés publics, stipule que celui-ci « a pour objet la passation et la signature des marchés de fourniture et d'acheminement d'électricité et des services associés pour les besoins propres de ses membres ». Conformément à l'article 3 du même acte constitutif, « pour la réalisation de l'objet du groupement, le SIPPEREC est désigné par l'ensemble des membres du groupement comme le coordonnateur du groupement pour la préparation, la passation et la signature des marchés conformément aux besoins définis par chaque membre ».

Les missions du coordonnateur du groupement sont précisées à l'article 4 de l'acte constitutif, qui prévoit notamment qu'il est chargé « d'assister les membres dans la définition de leurs besoins et de centraliser ces besoins sur la base d'une définition préalable établie par lui en concertation avec les membres. A cette fin, le coordonnateur peut, en tant que de besoin, solliciter, au nom des membres et directement auprès des gestionnaires de réseaux et des fournisseurs d'énergie, l'ensemble des informations relatives aux différents points de livraison ».

Aux termes de l'article 7 de l'acte constitutif du groupement de commandes, « l'adhésion des personnes publiques relevant du code général des collectivités territoriales est soumise à l'approbation de leur assemblée délibérante. Une copie de la délibération est notifiée au coordonnateur ».

Il résulte des dispositions de l'article 8 du code des marchés publics que, lorsqu'un groupement de commandes est créé, une convention constitutive est conclue aux fins, notamment, de désigner l'un de ses membres comme coordonnateur chargé d'organiser l'ensemble des opérations de sélection d'un cocontractant.

En l'espèce, conformément à l'article 8 du code des marchés publics précité, le SIPPEREC a été désigné, en vertu de l'article 3 de l'acte constitutif approuvé le 12 février 2004, comme coordonnateur du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité. En application de l'article 7 de l'acte constitutif, cette mission a été entérinée par une délibération des assemblées des collectivités territoriales membres lors de leur adhésion au groupement.

En sa qualité de mandataire des membres dudit groupement et en concertation avec eux, le SIPPEREC est chargé de définir leurs besoins respectifs en énergie en vue de la passation et de la signature des marchés de fourniture et d'acheminement d'électricité et d'organiser l'ensemble des opérations de sélection de leurs cocontractants. La mission du SIPPEREC s'étend ainsi à l'ensemble des formalités à accomplir pour la préparation des marchés.

Dans ce cadre, le SIPPEREC est notamment mandaté, par l'article 4 de l'acte constitutif, pour s'adresser directement à EDF, gestionnaire du réseau public de distribution, en vue d'obtenir l'ensemble des informations relatives aux différents points de livraison des membres du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité, telles que les données de comptage.

Pour l'exécution de ce mandat, il revient au SIPPEREC, en sa qualité de coordonnateur du groupement de commandes, en cas de désaccord avec le gestionnaire du réseau public de distribution sur les modalités de communication de données de comptage, de saisir la Commission de régulation de l'énergie d'une demande de règlement de différend au nom et pour le compte des membres du groupement. Dès lors, le SIPPEREC n'avait pas à justifier d'un mandat spécial des membres du groupement pour saisir la Commission de régulation de l'énergie.

Par ailleurs, la Commission de régulation de l'énergie, statuant sur une demande de règlement de différend, n'est pas une juridiction, ainsi qu'il résulte d'un arrêt de la cour d'appel de Paris du 8 mars 2005 SA Electricité de France c/société Pouchon Cogen.

Dès lors, le moyen soulevé par EDF, tiré de ce que ni le II de l'article 8 du code des marchés publics ni l'article 4 de l'acte constitutif du 12 février 2004 n'habilitent le Groupement de commandes pour l'achat d'électricité à représenter ses membres devant une instance juridictionnelle, est inopérant.

De même, EDF ne saurait utilement invoquer les dispositions des articles L. 2132-1 et L. 2132-2 du code général des collectivités territoriales, qui concernent les actions en justice de la commune.

Par suite, EDF n'est pas fondé à soutenir que la demande présentée par le SIPPEREC, agissant au nom et pour le compte du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité et de ses membres, serait irrecevable.

Sur la demande du SIPPEREC tendant à la communication gratuite de données de comptage au titre de la consommation des membres du groupement de commandes :

Dans ses dernières conclusions, le SIPPEREC demande à la Commission de régulation de l'énergie d'enjoindre EDF de lui communiquer gratuitement les données de comptage au pas du mois pour les points de livraison dont la puissance souscrite est supérieure à 36 kVA et à une fréquence semestrielle pour ceux dont la puissance souscrite est inférieure ou égale à 36 kVA, au titre de la consommation de l'ensemble des membres du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité.

En application du III de l'article 19 de la loi du 10 février 2000, « chaque gestionnaire du réseau public de distribution procède aux comptages nécessaires à l'exercice de ses missions ».

Aux termes de l'article 1er du décret du 26 avril 2001 susvisé, « les tarifs hors taxes d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité sont fixés conformément aux dispositions qui suivent, nonobstant toute disposition contraire des cahiers des charges des concessions, des règlements de service des régies, des contrats et des protocoles ».

Conformément aux deuxième et quatrième alinéas de l'article 4.1 de l'annexe de la décision ministérielle du 23 septembre 2005 approuvant les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité : « la redevance de relève de chaque dispositif de comptage couvre : les coûts de relève ou de télérelève (dont les coûts d'abonnement et de communication) ; les coûts de mesure, de calcul et d'enregistrement des données de comptage ; les coûts de validation, de correction et de mise à disposition des données de comptage validées. Celles-ci sont transmises à l'utilisateur (ou à son mandataire) selon une fréquence minimale définie dans le tableau 2 ci-après ».



Pour les utilisateurs raccordés dans les domaines de tension HTA et BT, dont la puissance souscrite est supérieure à 36 kVA, le tableau 2, auquel renvoie l'article 4.1 de l'annexe de la décision tarifaire du 23 septembre 2005, prévoit une fréquence minimale de transmission mensuelle des données de comptage. Pour les utilisateurs dont la puissance souscrite est inférieure ou égale à 36 kVA, le tableau prévoit que les données de comptage doivent être transmises sur une base semestrielle. Ces données doivent être communiquées, selon la fréquence minimale prévue, aux utilisateurs ou à leurs mandataires par le gestionnaire de réseau public compétent.

Par suite, le SIPPEREC est fondé à demander à EDF, gestionnaire du réseau public de distribution, la transmission des données de comptage, au pas du mois, pour les points de livraison dont la puissance souscrite est supérieure à 36 kVA et à une fréquence semestrielle, pour ceux dont la puissance souscrite est inférieure ou égale à 36 kVA, au titre de la consommation de l'ensemble des membres du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité, raccordés dans les domaines de tension HTA et BT, cette prestation de base étant couverte par les tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité.

EDF ne saurait s'exonérer de son obligation de communication en soutenant qu'il appartient aux seuls fournisseurs, dans le cadre des contrats dits intégrés, de transmettre les données de comptage aux utilisateurs des réseaux publics, alors que l'article 19 de la loi du 10 février 2000 et les dispositions précitées de la décision tarifaire du 23 septembre 2005, qui sont d'ordre public, confient cette mission aux gestionnaires de réseaux.

C'est donc à tort qu'EDF soutient que les demandes du SIPPEREC relatives à la transmission des données de comptage afférentes à la consommation des membres du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité relèvent des prestations complémentaires, au sens du chapitre A du III de l'exposé des motifs et de l'article 14 de l'annexe de la décision tarifaire du 23 septembre 2005.

Il y a lieu, par conséquent, pour la Commission de régulation de l'énergie d'inviter EDF, en sa qualité de gestionnaire du réseau public de distribution, à communiquer au SIPPEREC, gratuitement, les données de comptage, au pas du mois, pour les points de livraison dont la puissance souscrite est supérieure à 36 kVA et à une fréquence semestrielle, pour ceux dont la puissance souscrite est inférieure ou égale à 36 kVA, au titre de la consommation de l'ensemble des membres du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité, raccordés dans les domaines de tension HTA et BT. Compte tenu des engagements pris par EDF dans son catalogue des prestations, produit par le SIPPEREC, cette communication devra intervenir dans un délai de deux semaines à compter de la notification de la présente décision.

Sur la demande du SIPPEREC tendant au prononcé d'une astreinte :

Le SIPPEREC demande à la Commission de régulation de l'énergie d'assortir sa décision d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard si, à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de notification de la décision à intervenir, EDF n'a pas transmis la mise à jour des données de comptage de l'ensemble des membres du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité, dont il a d'ores et déjà les coordonnées.

Aux termes de l'article 38 de la loi du 10 février 2000, la décision par laquelle la Commission de régulation de l'énergie règle un différend « peut être assortie d'astreintes ».

Toutefois, faute de dispositions suffisamment précises dans la loi encadrant les conditions d'exercice de ce pouvoir, notamment les modalités de fixation du montant de l'astreinte et de sa liquidation, la Commission de régulation de l'énergie ne peut faire droit à ces conclusions du SIPPEREC.


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Décide :


Article 1


Electricité de France (EDF), en sa qualité de gestionnaire du réseau public de distribution, communiquera au Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l'électricité et les réseaux de communication (SIPPEREC), gratuitement, les données de comptage, au pas du mois, pour les points de livraison dont la puissance souscrite est supérieure à 36 kVA et à une fréquence semestrielle, pour ceux dont la puissance souscrite est inférieure ou égale à 36 kVA, au titre de la consommation de l'ensemble des membres du Groupement de commandes pour l'achat d'électricité, raccordés dans les domaines de tension HTA et BT.

Article 2


La première communication de données de comptage, dans les conditions prévues à l'article précédent, interviendra au plus tard dans un délai de deux semaines à compter de la notification de la présente décision.

Article 3


Electricité de France (EDF) communiquera à la Commission de régulation de l'énergie, dans le même délai que celui prescrit à l'article 2, tous les éléments lui permettant de s'assurer de l'exécution de la présente décision.

Article 4


Le surplus des conclusions du Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l'électricité et les réseaux de communication (SIPPEREC) et les conclusions d'Electricité de France (EDF) sont rejetés.

Article 5


La présente décision sera notifiée au Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l'électricité et les réseaux de communication (SIPPEREC) et à Electricité de France (EDF) ; elle sera publiée au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 5 octobre 2006.


Pour la Commission

de régulation de l'énergie :

Le commissaire présidant la séance,

M. Lapeyre